Des données récentes présentées dans une étude d’Annette Alstadsæter, Niels Johannesen et Gabriel Zucman, et intitulée « Qui détient la richesse dans les paradis fiscaux. Preuves macroéconomiques et effets sur les inégalités mondiales » démontrent que ceux que nous croyions riches ne sont pas riches. En réalité, ils sont super riches. Sont compilées dans ce rapport les sommes placées dans des paradis fiscaux, et ce dans le monde entier. Ceci permet d’évaluer avec davantage de justesse les inégalités économiques dans les différents pays concernés. Respectivement de l’École norvégienne des Affaires et de l’Économie (université norvégienne des sciences de la vie), du département d’Economie de l’université de Copenhague et du département d’Économie de l’université de Berkeley (Californie), ces trois chercheurs montrent que rien de moins que 10% du PIB mondial se trouve dans des centres offshore !
Les ultra-riches français, grands champions de l’évasion fiscale
John Christensen, directeur au Réseau mondial pour la justice fiscale, explique dans un entretien accordé au Monde :
« Un paradis fiscal est une juridiction offrant un cadre politique, fiscal, légal. Un centre financier offshore est un réseau de banques, cabinets d’audit et d’avocats, immatriculés dans un paradis fiscal. Le premier est un vaste centre commercial, le second est constitué des magasins, restaurants, cinémas qui louent l’espace. »
Ce chiffre ne doit en revanche pas masquer une grande hétérogénéité. C’est dans les pays scandinaves que l’on trouve les taux les plus bas avec seulement 1% placés en centre offshore, alors que l’on atteint jusqu’à 60% dans certains pays du Golfe ou d’Amérique latine. L’Europe n’est pas en reste avec environ 15%, et la France se taille la part belle puisque son top 0,01% (les 3 520 ménages les plus riches) dissimule 140 milliards d’euros dans des paradis fiscaux ! Ce qui équivaut à 7% du PIB français, et à une réduction de 30% de l’ardoise fiscale de ces aimables évadés fiscaux… En tout et pour tout, c’est 15% du PIB français qui se trouve dans des centre offshore, soit environ 300 milliards d’euros : un terrible manque à gagner, pour la sécurité sociale par exemple.
La sous-estimation des inégalités : catastrophe fiscale et sociale
La non prise en compte de ces revenus émanant de paradis fiscaux induit un biais considérable dans les politiques fiscales puisque par exemple pour le cas de la France, comme cela est exposé dans un article de Marianne, nos 3 520 ménages les plus riches possèdent officiellement 3,8% du patrimoine total des ménages français. Or, si l’on ajoute les 1,4% de placements offshore, on arrive à un total de 5,2% (soit environ 520 milliards d’euros), fiscalement non pris en compte bien sûr !
Je vous propose qu’à ce stade, on prenne une minute de silence, bouillant intérieurement de rage, tout en pensant aux récents projets d’Emmanuel Macron de supprimer l’ISF et d’instaurer une flat tax (pour faire bref, c’est une taxation non plus progressive mais à taux unique). Ces deux réformes fiscales profiteraient surtout aux ménages les plus riches de la société. Merci la théorie du ruissellement.
À l’échelle mondiale, la prise en compte des données de l’étude citée plus haut change tout sur l’évaluation des inégalités internes à chaque pays puisqu’une partie non négligeable de la fortune des plus riches est placée en centres offshore, donc non soumise à taxation.
Crédits photos : AMC

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