Le jeudi 10 novembre, une campagne d’actions a été menée simultanément par Scientist Rebellion et Extinction Rebellion dans 11 pays différents : en France, aux États-Unis, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Italie, en Suède, en Allemagne, en Belgique, en Norvège, au Portugal et en Australie. Plus de 200 activistes, dont 129 scientifiques, ont bloqué 11 aéroports d’affaires internationaux pour demander l’interdiction des jets privés.
Les manifestants ont bloqué les entrées des aéroports avec différentes tactiques, telles que : s’accrocher avec des tubes d’acier et des chaînes, se coller aux portes et aux fenêtres en déclenchant les alarmes incendie.
Parfois, ils ont également utilisé l’art et la musique pour porter leur message. A Ibiza, une pièce de théâtre a été mise en place pour dépeindre le mépris et l’arrogance des riches alors que les moins privilégiés sont en difficulté.
30 militants de la branche française Scientifiques en Rébellion ont mené une action devant le siège de Dassault Aviation (Paris), troisième fabricant mondial de jets privés. Parmi les scientifiques mobilisés se trouvaient plusieurs personnes ayant été incarcérées suite à des actions de désobéissance civile en Allemagne, il y a quelques jours de cela.
Ils ont déployé trois banderoles reprenant les revendications de la campagne internationale intitulée Make Them Pay : interdire les jets privés, taxer ceux qui voyagent le plus en avion (appelés “grands voleurs” par les militants) et faire payer les ultra riches pollueurs. D’autres banderoles ont été déployées telles que « Dassault Falcon, criminel climatique ; État Français complice de l’injustice ».
Le média politique américain Politico a par ailleurs récemment mis en évidence des liens étroits entre le gouvernement et le groupe Dassault. La ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher occupe depuis l’an dernier une maison du centre-ville de Lens (Pas-de-Calais), détenue par la famille Dassault. L’enquête Paradise Papers avait par ailleurs révélé en 2017 la complicité du groupe Dassault envers ses riches clients, pour leur éviter de payer des taxes.
Selon FranceInfo, Kaïna Privet, détentrice d’un docteur en écologie à l’université de Rennes, a pris la parole le 10 novembre 2022 à Paris :
« On n’est pas dans la dynamique de dire aux individus de mettre des cols roulés. Il faut aussi que les efforts de sobriété viennent d’en haut (…) 80% de la population mondiale n’a jamais mis les pieds dans un avion, et je ne parle même pas de ceux qui ont déjà volé à bord d’un jet privé »
Dans un communiqué de presse de Scientist Rebellion, elle développe : « Les jets privés sont 10 fois plus polluants [par passager] que les avions commerciaux et 200 fois plus polluants que les grandes lignes de trains français. En tant que scientifique, je suis particulièrement scandalisée par le greenwashing développé par Dassault Aviation, qui prétend promouvoir une aviation « durable ». Leurs prétendus “carburants d’aviation durables” sont une escroquerie scientifique, leur utilisation à grande échelle consommerait bien trop de ressources. Ils utilisent cet argument pour justifier le fait qu’ils continuent à développer le secteur de l’aviation malgré l’urgence de la crise climatique à laquelle nous faisons face. Ils doivent être tenus pour responsables de cette crise et être taxés en conséquence. »
Une publicité pour le Falcon a notamment été jugée contraire à la déontologie publicitaire en 2021 car elle laissait croire que cet avion était « vert » malgré son impact considérable sur l’environnement.
L’événement prend place en même temps que la COP27, où la question des inégalités, et spécifiquement les pertes et dommages liées au réchauffement climatique, est soulevée. Mais les scientifiques en rébellion le 10 novembre devant Dassault se sont montrés pessimistes, en vue des précédents résultats alors que la nécessité de prise d’action est, elle, imminente.
A travers ces journées de la campagne internationale Make Them Pay, les militants appellent ainsi les dirigeants mondiaux réunis à Sharm El Sheikh, en Egypte, pour la COP27, non seulement à interdire les jets privés, mais également à mettre en place une taxe sur les personnes qui prennent fréquemment l’avion. Cette taxe permettrait de réduire les émissions et de payer pour les pertes et dommages.
Ces demandes intègrent une proposition faite par le groupe des pays les moins avancés, les plus vulnérables face au changement climatique et ont été soutenues par des assemblées citoyennes dans de nombreux pays.
Crédit photo couv’ : Scientist Rebellion