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Le Moringa : l’arbre qui pourrait nourrir les zones en malnutrition

Au-delà de ses vertus nutritionnelles, le moringa est très utile du point de vue écologique : il attire les pollinisateurs, lutte contre l’érosion dans des régions particulièrement touchées par les sècheresses, et produit de la biomasse. L’huile tirée de ses graines ne rancit pas et peut donc être utilisée aussi bien en mécanique qu’en denrée alimentaire.

Dans les très rares moments où l’on parle de l’île de la Réunion en métropole, le sujet de la vie chère revient. Les chiffres que l’on peut parfois avancer traduisent une réalité effrayante pour un département français : des champs jonchés de tonnes de mangues sont laissées à pourrir par terre quand les quotas d’exportation baissent.

Les Réunionnais achètent une mangue 5 euros l’unité. Les fruits de la passion, qui poussent dans tous les jardins réunionnais, sont pourtant vendus à 6,99 € le kilo. Oignons, ail, pommes de terre, carottes produits « au péi » sont de plus en plus rares sur les étalages. Ils arrivent en masse de Madagascar, de Métropole, d’Inde ou de Chine. C’est que l’économie de l’île est basée sur l’importation et l’insécurité alimentaire (Malcolm Schaller, les enjeux de la création de filières agricoles : envisager des formes alternatives d’itinéraires techniques dans les paysages agricoles réunionnais, Université de la Réunion). 56 % de la surface agricole utile est consacrée à la canne à sucre.

De ce fait les Réunionnais dépendent des importations massives pour se nourrir, et les prix exhorbitants les privent d’un accès à une alimentation saine. Le diabète est  deux fois plus élevé qu’en métropole, et touche beaucoup d’enfants  ainsi que l’obésité. Dans ce contexte,  produire local devient un véritable acte de résistance, mais les petits producteurs ont du mal à se structurer pour faire face aux exigences de la grande distribution.

À la Réunion, de nombreux acteurs du changement, comme l’association WIO-GSN , plateforme d’échanges de solution pour le développement durable de l’Océan Indien, ou encore Les Jardins de Fond Imar, association qui œuvre pour la restauration écologique, tentent de revaloriser des produits locaux oubliés. Parmi eux, on reparle du moringa oleifera, surnommé « l’arbre de vie », « neverdié » (never die en anglais) ou à la Réunion, le « mouroung ». Autrefois présent dans les jardins à la Réunion, il a disparu comme beaucoup de fruits et légumes partout en France au sortir de la dernière guerre mondiale. Avec le manioc, le sorgho ou le mil, il a servi de base d’alimentation pour les habitants isolés pendant le conflit mondial.  

« Remettre au gout du jour ces produits n’est pas une lubie nostalgique, mais un besoin primordial tant pour la sécurité alimentaire, que la cohésion sociale et la protection de l’environnement. » Malcolm Schaller

Pendant des millénaires, il a été à la base de la subsistance de nombreuses civilisations vivant dans des contextes très hostiles, de l’extrême Asie à l’Amérique du Sud, et sur tout le continent africain. Originaire d’Inde, tout de cet arbre est consommé: racines, écorce, feuilles fleurs et fruits.

Moringa oleifera – Crédit Photo : Luca Tettoni / Robert Harding Heritage / robertharding via AFP

Il présente un équilibre nutritionnel très rare pour une plante : minéraux, calcium, potassium, fer, magnésium, vitamines A C et E. Les protéines de ses feuilles contiennent 9 acides aminés, et sont 9 fois plus concentrées que dans un œuf. Elles contiennent 17 fois plus de vitamines C que dans une orange et 150 fois plus d’antioxydants que dans une grenade. Les feuilles sont également antibiotiques, permettent de fixer le fer. Un équilibre nutritionnel très rare pour une plante.

Une étude du Centre National pour l’Information Biotechnologique a publié une étude Moringa Genus : a Review of Physichemistry and Pharmacology démontrant que le moringa inhibe la production de cellules cancéreuses, en plus d’être un puissant antidiabète antiinflammatoire et antimicrobien. Ses racines ont été utilisées pour traiter l’insulino-dépendance et constitue donc une arme puissante pour lutter contre le diabète. Pourtant le moringa n’est toujours pas inscrit à la pharmacopée française de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament. 

Au-delà de ses vertus nutritionnelles, le moringa est très utile du point de vue écologique : il attire les pollinisateurs, lutte contre l’érosion dans des régions particulièrement touchées par les sècheresses, et produit de la biomasse. L’huile tirée de ses graines ne rancit pas et peut donc être utilisée aussi bien en mécanique qu’en denrée alimentaire. 

Pourtant, à la Réunion, 100g de feuilles broyées de moringa coûtent 25 euros. À 250 euros le kilo, qui peut s’en procurer ? Des recherches sont en cours pour trouver des modèles économiques permettant d’assurer la production la distribution locale et l’exportation du moringa dans les prochaines années. Des associations distribuent des graines et des semis pour que les gens plantent le moringa là où ils peuvent.   

À l’heure où le prix des denrées alimentaires ne cesse d’augmenter, où l’érosion des sols progresse, où les prix des carburants flambent, les économies basées sur l’importation massive sont une aberration. L’autonomie alimentaire fait partie des processus de réappropriation (empowerment) à laquelle aspirent toutes les populations que la mondialisation consumériste a cru berner. Partout dans le monde des gens se disent : nous ne sommes finalement pas des consommateurs interchangeables voués à engraisser la machine à produire, et nous voulons nous réapproprier notre territoire, notre culture, notre langue, notre manière de manger. Planter un arbre peut alors devenir un acte politique. Loin d’être une préoccupation de privilégiés, la recherche de l’autonomie alimentaire est un choix politique et social qui affectera les équilibres de l’ensemble de nos sociétés dans les prochaines années. 

Sarah Roubato

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