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Chasser sous l’emprise d’alcool est toujours légal, une faille juridique dangereuse

Pour remédier à ce problème, l’Aspas propose d’uniformiser les règles de la chasse et celles de la conduite : instauration d’un seuil légal de concentration d’alcool dans le sang et l’air expiré, au-delà duquel la chasse serait interdite ; création d’une infraction de « chasse en état d’ébriété » ; mise en place de « contrôles inopinés de l’alcoolémie, sur des terrains privés et publics ».

Alors que la chasse continue, par ses accidents, ses excès, la destruction et le monopole de la nature qu’elle implique, à diviser la population, la saison 2021-2022 s’ouvrira sans surprise à l’automne. C’est l’occasion de rappeler certaines invraisemblances de la loi : chasser sous l’emprise de l’alcool est tout à fait légal. De même qu’avec des armes défectueuses, ou lorsqu’on est atteint d’une maladie motrice ou psychiatrique.

« Chasser en état d’ivresse » n’est pas une infraction

En France, contrairement aux idées reçues, l’infraction de « chasse en état d’ivresse » n’existe pas dans le Code pénal, ni dans aucun autre texte juridique.

Le bon million de chasseurs détenteurs d’un permis valide sur le territoire peuvent ainsi, en toute légalité, manipuler des armes létales avec un taux d’alcoolémie de plusieurs grammes par litre de sang. En action, ils n’en seront jamais inquiétés, malgré le risque évident que ce vide juridique fait courir aux autres citoyens.

Les cas de chasseurs ivres adoptant des comportements dangereux sont légion. Ils défraient chaque année la chronique. En janvier 2020, par exemple, dans les Côtes-d’Armor, un chasseur présentant un taux de deux grammes (il en faut trois pour atteindre le coma éthylique) a tiré de nombreux coups de feu en l’air et pointé son arme sur les gendarmes, avant d’être appréhendé.

En septembre de la même année, juste après l’ouverture de la saison à Gommegnies, dans le Nord, un chasseur alcoolisé a tiré accidentellement sur son ami, lui logeant une trentaine d’impacts de plombs dans le flanc gauche… sans grandes conséquences, heureusement.

Rien, hormis un certain sens des responsabilités, n’aurait pu empêcher cet accident d’advenir. Les agents de l’État assermentés pour faire respecter les règles de sécurité dans la nature ne disposent d’aucun moyen juridique de contrôler ou de sanctionner l’état d’ivresse d’un chasseur, alors qu’en pratique la majorité des accidents surviennent sur les lieux mêmes de l’action de chasse.

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Ce qu’il faut, pour que l’ébriété d’un chasseur entraîne des sanctions, c’est que celui-ci soit contrôlé en état d’ivresse manifeste sur la voie publique ou tout simplement ivre au volant d’un véhicule, c’est-à-dire dans les circonstances où les règles d’alcoolémie s’appliquent à tous les citoyens.

Si les forces de l’ordre surprennent sur l’autoroute un chasseur ivre se rendant à 140 km/h, muni de son fusil ou sa carabine, à une petite partie de chasse, ils lui retireront sans équivoque son permis de conduire, mais pas celui l’autorisant à chasser.

En dehors de ces situations « classiques », c’est seulement en cas d’accident de chasse, après que les faits ont été commis, donc, que la police ou la gendarmerie pourra procéder à un test d’alcoolémie qui constituera, s’il est positif, une circonstance aggravante pour le chasseur maladroit.

Le combat des associations

Cette invraisemblance dangereuse de la loi est depuis longtemps critiquée par les organismes de défense des animaux, au premier rang desquels l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas), qui lui a consacré quelques publications.

Selon la courbe de Borkenstein, explique l’Aspas, un taux d’alcool de 1,2 g/l multiplie par 35 le risque d’accident de la route ; or, il est impossible de mesurer les dangers qu’induit l’ébriété dans la pratique de la chasse, pourtant responsable de 100 à 150 accidents par an, dont 10 à 20 mortels.

Pour remédier à ce problème, l’Aspas propose d’uniformiser les règles de la chasse et celles de la conduite : instauration d’un seuil légal de concentration d’alcool dans le sang et l’air expiré, au-delà duquel la chasse serait interdite ; création d’une infraction de « chasse en état d’ébriété » ; mise en place de « contrôles inopinés de l’alcoolémie, sur des terrains privés et publics »

En 2013, une telle réforme avait déjà été demandée par Yves Blein, député socialiste du Rhône, au ministère de l’Écologie. Le gouvernement de François Hollande s’était alors contenté de répondre qu’il n’était « pas prévu de compléter [l]es dispositifs [en vigueur] sur le plan législatif ou réglementaire » et qu’« à ce jour, et ce depuis plus de deux ans, les services de l’[État] n’[avaient] enregistré aucun accident mortel en cours d’action de chasse dû à un état d’ébriété du chasseur incriminé ».

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En matière de sécurité et de « coexistence de toutes les activités de pleine nature », les exigences de l’Aspas entrent dans une réforme plus large et profonde de la chasse, réclamée par 91 % des Français, selon un sondage Ifop datant de 2016.

Outre l’interdiction de la chasse le dimanche, sur tout le territoire, les associations œuvrant pour une régulation de ce loisir souhaiteraient que le renouvellement du permis de chasse soit conditionné à l’état de santé des pratiquants.

Les capacités physiques et psychiques des chasseurs devraient ainsi faire l’objet d’un examen régulier, requis dans toutes les autres situations impliquant l’utilisation d’armes létales. Dans le cas des chasseurs, les fusils à canon lisse (petit gibier) et les carabines à canon rayé (gros gibier) ne sont d’ailleurs soumis à aucun contrôle, bien que ces armes restent dangereuses dans un rayon de 1,5 à 3 kilomètres autour du tireur. 

« En France, chasser bourré, avec des troubles de la vue, une parkinson et une vieille pétoire, c’est possible ! » ironise l’Aspas.

La pétition demandant au gouvernement de réformer la chasse de fond en comble a récolté plus de 100 000 signatures.

Augustin Langlade

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